Lettre pastorale de l'évêque pour Pâques 2023

Bien chers frères et sœurs dans le Christ,

Dans le récit de la résurrection relaté dans l'évangile de Jean, Marie-Madeleine n'a pas reconnu Jésus ressuscité au début. Elle pensait qu'il était le jardinier. Pourquoi un jardinier ? Un peu plus tôt dans l'histoire, juste après la mort de Jésus sur la croix, deux de ses amis emportèrent son corps pour l'ensevelir dans un tombeau situé dans un jardin. Mais ils n'ont pas eu beaucoup de chemin à faire, car l'évangile de Jean nous dit que le jardin était situé à l'endroit même où Jésus avait été crucifié. Il y avait un jardin au Golgotha - un jardin au « lieu du crâne ».

Imaginez une colline sombre et morne imprégnée des séquelles d'innombrables actes de violence indescriptibles, comme ceux commis contre Jésus, et au milieu de cet endroit, un jardin - probablement petit, mais vert, peut-être même coloré et luxuriant, certainement assez foisonnant pour justifier la présence d'un jardinier pour s'en occuper.

Ce jardin du Golgotha passait probablement inaperçu de la plupart des gens. Mais au fil du temps, le jardin a lentement pu reprendre des droits sur le « lieu du crâne ». À d'autres moments, il a probablement perdu du terrain. Il est possible que, la plupart du temps, la vie qui s'y trouvait profondément enracinée ait réussi à maintenir à distance les effets mortifiants du reste du site du Golgotha.

C'est peut-être tout ce que nous pouvons tenter d’accomplir en ce temps qui nous est donné : entretenir avec espoir le petit jardin de notre vie au milieu de la mort et des ténèbres qui nous entourent, sans ignorer ni tourner le dos au monde ou aux autres, mais en cherchant à transformer notre modeste parcelle du monde - notre foyer, notre communauté, notre église - en une petite parcelle du royaume de Dieu sur la Terre.

Pour certains d'entre nous, cela peut signifier littéralement cultiver un jardin, peut-être même réapprendre à cultiver notre propre nourriture. Cela peut également signifier grandir de d'autres manières. Le regretté théologien québécois Gregory Baum a décrit notre vocation chrétienne à une époque comme la nôtre comme étant socialement engagée, tissant des réseaux de résistance, créant des communautés d'amitié et de service et soutenant une contre-culture de solidarité sociale.

Et ceci non pas au degré de changer la société, mais plutôt à l'échelle d'une personne, d'un ménage, d'une communauté, d'une église, d'un jardin à la fois. Et plus nos racines sont profondes dans un endroit, plus nous serons en mesure d'y tenir à distance les forces de la mort, de la destruction et des ténèbres, et peut-être même de récupérer du terrain et de lui donner la chance d'y voir se manifester une nouvelle vie.

Il y avait un jardin à l'endroit où Jésus a été crucifié. Et c'est dans ce jardin, ceinturé de toutes parts par la mort, que la mort a été vaincue - mais si doucement et discrètement que presque personne ne l'a remarqué. Il est probable que nos propres efforts pour repousser la mort nous sembleront prendre bien trop de temps, qu’ils nous apparaîtront misérables et dérisoires mais ils peuvent aussi faire naître la vie.

La Vie qui s'est révélée tranquillement dans ce jardin du Golgotha par un matin de Pâques a privé à jamais la mort de son pouvoir ultime. Nous pouvons nous aussi, animés d’un espoir sûr et certain, travailler pour favoriser la transformation du monde en ce jardin de vie foisonnante que Dieu désire pour toute la création, un petit lopin de terre à la fois.

Mgr Bruce Myers OGS

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